Une ancienne notaire prévient : “Cette clause est prévue dans 90% des actes de donation, et on n’en mesure pas la portée”
Pour s’installer à l’étranger avec sa famille, ce fils voulait revendre la maison donnée par ses parents quelques années auparavant. C’était sans compter sur cette clause très courante, aux conséquences redoutables.
“Attention, cette clause est prévue dans 90% des actes de donation et, souvent, on n’en mesure pas la portée.” Coralie Daven, ancienne notaire et créatrice d’une plateforme dédiée à la compréhension du droit, met en garde : beaucoup de bénéficiaires sous-estiment ses conséquences lors d’une revente. Yannick (prénom modifié) en a fait les frais. Au cœur du Périgord, ses parents lui ont transmis, en 2015, une maison de campagne de 145 mètres carrés avec jardin, estimée à 320 000 euros. Le but de cette donation était double : optimiser la fiscalité et, surtout, permettre au jeune homme et à sa compagne de perpétuer la tradition et d’y accueillir la famille pour les vacances et autres événements familiaux. “Cette maison était dans la famille depuis deux générations, la mère de Yannick voulait qu’elle y reste“, précise l’ancienne notaire. Ce dernier en fait sa résidence principale mais continue d’y accueillir toute la famille, au plus grand bonheur de ses parents.
Quelques années plus tard, une opportunité professionnelle à l’étranger vient changer les plans du jeune homme. Avec sa femme, ils envisagent de s’y installer et de vendre la maison du Périgord pour ne pas avoir à payer les charges (taxe foncière, entretien…) pendant leur absence. L’objectif est aussi de se constituer un apport pour cette nouvelle vie. Le couple met la maison en vente sans en parler aux parents de Yannick et trouve rapidement un acquéreur, prêt à l’acheter 320 000 euros. Mais alors que la promesse de vente est sur le point d’être signée chez Coralie Daven, l’ancienne notaire relève une ligne dans l’acte de donation : la clause de retour conventionnel.
“Elle permet au donateur de récupérer la propriété du bien donné si le donataire décède avant lui, explique la juriste. Dans ce cas, la donation est considérée comme n’ayant jamais existé et le bien réintègre le patrimoine du donateur, même s’il a été vendu”. Pour protéger le nouvel acquéreur, le vendeur, Yannick, doit obtenir une renonciation expresse des donateurs — ses parents — à leur faculté de retour. L’acte de donation contient également une clause d’interdiction d’aliéner ou d’hypothéquer, à laquelle les parents de Yannick doivent renoncer pour lui permettre de vendre la maison.
Mais les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. En réalité, “les parents ont été blessés en apprenant la volonté de leur fils de vendre la maison“, se souvient Coralie Daven. Pour eux, la clause de retour conventionnel n’était pas une simple formalité, mais le garant de la préservation du patrimoine familial pour les générations futures. Ils ont donc refusé d’y renoncer. “La situation a créé une profonde fracture familiale. Le fils leur reprochait de l’empêcher de construire son avenir.” Face à ce refus, la vente est bloquée. “On ne peut pas laisser un acquéreur signer sans la certitude que la faculté de retour soit levée.“
Le constat est sans appel : Yannick n’a aucun moyen de contourner ces clauses. Il a pourtant décidé de maintenir son projet et de partir à l’étranger sans cet argent et en laissant derrière lui des relations familiales ternies. L’ancienne notaire met en garde sur la portée des clauses contenues dans un acte de donation immobilière. “Quand on reçoit une maison, on est content, c’est une optimisation fiscale, mais ça a des contraintes.” Quant à la maison familiale du Périgord, elle n’est pas vendue, mais les parents de Yannick ne peuvent plus y aller : “Pour se venger, il a fermé l’accès à ses parents.” Pour être sûrs de pouvoir toujours profiter de la maison, estime l’ancienne notaire, “ils auraient dû donner le bien en nue-propriété à leur fils et conserver l’usufruit“.
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